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L'Intelligence Artificielle est-elle l'avenir de la médecine ?

MBA Mutuelle - L’intelligence artificielle au service de la médecine

Source Le Mutualiste.

 

Objets connectés, reconnaissance faciale, recommandations ciblées en ligne… l’intelligence artificielle (IA) a déjà largement intégré notre quotidien. Et ce n’est qu’un début : à l’avenir, elle sera amenée à bouleverser de nombreux secteurs, et la santé n’y échappe pas. De l’imagerie médicale à la robotique en passant par la prédiction, l’IA est appelée à jouer un rôle central dans la transformation médicale en cours.

 

Détecter un mélanome en quelques minutes, optimiser le suivi de grossesse, assister un médecin lors d’une opération, détecter précocement une schizophrénie… Parce qu’elle ouvre de larges perspectives d’amélioration de la qualité des soins, l’IA apparaît particulièrement intéressante lorsqu’elle est appliquée au domaine de la santé. C’est pourquoi l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (Inserm) la place aujourd’hui « au coeur de la médecine du futur ». Petit tour d’horizon de la médecine augmentée actuelle et à venir…

  

 

Qu'est-ce que l'IA ?

 

L’IA voit le jour dans les années 1950. L’objectif : créer des machines capables de simuler l’intelligence humaine. Un premier procédé de raisonnement en logique formelle repose sur un algorithme, un programme informatique qui, à partir des données d’un patient, réalise une suite d’étapes pour livrer un résultat. Aujourd’hui, la majorité des systèmes procèdent par apprentissage automatique, à l’image des algorithmes dits d’apprentissage profond (deep learning), fondés sur un système utilisant des réseaux de neurones artificiels pour résoudre des tâches complexes. Grâce à la puissance de calcul des ordinateurs et à la masse de données disponibles (big data), cette technologie a beaucoup progressé au fil des décennies, et promet encore de s’améliorer dans les années futures.

 

 

L’IA : une aide à la décision

 

« En santé, l’IA est principalement utilisée comme une aide à la décision, indique Jean Charlet, chargé de mission de recherche à l’Assistance Publique Hôpitaux de Paris (APHP), membre de l’Inserm et chercheur en IA/Ingénierie des connaissances pour la médecine. Et c’est dans l’imagerie médicale qu’elle fonctionne le mieux. » « En radiologie, les logiciels utilisant le deep learning sont capables de diagnostiquer un mélanome, un cancer ou une fracture, explique à son tour Jean-Emmanuel Bibault, médecin cancérologue, chercheur spécialisé en IA et auteur de 2041, Odyssée de la médecine : comment l’intelligence artificielle bouleverse la médecine ? (Équateurs). L’IA est également utilisée en radiothérapie pour cibler la tumeur et orienter les rayons, une tâche qui ne dure que quelques minutes là où, manuellement, elle prend environ trois heures à un médecin. » « Bien sûr, cette technologie est à considérer comme une assistance, et ne saurait en aucun cas se substituer au médecin », alertetil.

 

Et c’est là la grande force de l’IA : sa capacité à analyser des millions de données (c’est plus que ce que le cerveau ne pourra jamais mémoriser) en très peu de temps et de façon reproductible pour détecter la moindre anomalie.

 

 

Vers une médecine personnalisée

 

Cette intelligence permet aussi d’apporter des réponses thérapeutiques personnalisées. En 2022, une IA développée par l’Institut Curie est parvenue à identifier à plus de 90 % un cancer métastasé d’origine inconnue (ici, le rein), en se basant sur plus de 20 000 profils de tumeurs. Cette découverte a permis aux médecins de prescrire au patient un traitement personnalisé, moins intrusif et sans chimiothérapie, puisque cet organe y est peu sensible.

 

 

L’algorithme prédictif

 

L’IA est aussi capable de réaliser des prédictions : c’est ce que l’on appelle la « médecine prédictive ». Elle analyse certains indicateurs pour alerter la population ou anticiper une épidémie. Elle peut aussi prédire l’évolution d’une maladie chez un patient précis ou évaluer le risque chez un autre d’en développer une. Sur ce dernier point, Jean Charlet met tout de même en garde « quant au risque de surmédication » et s’interroge sur « l’effet d’une telle annonce sur la santé mentale d’un patient » là où Jean-Emmanuel Bibault se questionne sur « les conséquences d’une telle décision sur la vie professionnelle du patient ou son avenir financier, dans l’obtention d’une assurance santé ou d’un prêt immobilier, par exemple ». Mais cette innovation est également un formidable outil de prévention, permettant d’agir sur les comportements des personnes (responsables notamment de 40 % des cancers) et de programmer des dépistages ciblés. L’IA peut enfin intervenir en pharmacovigilance, en évaluant les risques d’effets indésirables liés à l’utilisation de certains médicaments ou causés par une interaction médicamenteuse.

 

 

L’intelligence artificielle au bloc opératoire


Cette année, à Barcelone, une équipe chirurgicale a réalisé la première greffe du poumon sans ouvrir complètement la poitrine du malade, en manipulant un robot équipé de quatre bras. Pouvons-nous alors envisager, dans 10 ou 15 ans, une opération menée par un chirurgien-robot autonome ? Jean-Emmanuel Bibault ne dit pas non : « Des chercheurs de Stanford ont déjà entraîné une IA à reconnaître les instruments chirurgicaux quand d’autres sont déjà capables de modéliser notre anatomie. Si on explique aux patients qu’une opération réalisée par un robot a 90 % de chance de réussite là où celle menée par la main de l’homme en a 80 %, le choix devrait être vite fait. » Autre usage : la création de la réplique numérique d’un organe appelé « jumeau numérique » adoptant les mêmes caractéristiques que celui d’un patient. Cette modélisation apparaît particulièrement intéressante pour recueillir en amont les potentielles conséquences des suites opératoires ou pour optimiser des parcours de soins.

 

 

L’IA, vraiment intelligente ?


En parallèle, d’autres utilisations de l’IA peuvent être citées, comme des prothèses intelligentes qui alertent sur leur niveau d’usure ou des robots compagnons pour les personnes âgées ou fragiles. Elle est également utilisée en traitement automatique des langues, notamment sur les dossiers des patients des hôpitaux, pour cibler des patients et pour extraire des informations utiles pour la recherche. La compilation d’une quantité astronomique de données peut enfin aider à la création de médicaments, des recherches en ce sens commencent à aboutir.

 

Malgré toutes ces capacités, rappelons que cette IA n’est intelligente que par son nom. « Elle ne sait pas encore tenir compte des implicites, n’a pas de « corps », et ne peut pas évaluer des situations contextuelles, pointe Jean Charlet. Elle ne rend pas la vérité, mais le plus vraisemblable, et commet aussi beaucoup d’erreurs. » Dans ce contexte, « le robot omniscient, qui pour beaucoup symbolise l’IA, n’est pas pour demain », indique l’Inserm. Rappelons d’ailleurs qu’en mars 2023, plus d’un millier d’experts — dont Elon Musk, propriétaire de Twitter —, réclamait une pause de six mois dans le développement de l’IA pour réfléchir à son impact éthique et sociétal sur l’humanité.

 

« Certes, l’IA va modifier certains métiers et entraîner des conséquences organisationnelles qu’il va falloir anticiper, indique Jean Charlet. Mais il convient surtout de garder une distance critique avec ces technologies. » L’humain reste et restera au coeur du système médical.